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Sur la douance, des questions éthiques intéressantes au Québec

La douance : concept, réalité, phénomène de mode ? Au Canada des psychologues sont formés pour éviter des dérives.

Psychologue pour enfants

La douance, terme utilisé au Québec à la place de notre actuel « haut potentiel », ferait aussi quelques remous Outre-Atlantique.

La remise en question concernerait le phénomène qui, comme ici, deviendrait trop présent, à la mode, au risque de devenir un fourre-tout ou « certificat » trop facilement délivrable, derrière lequel se retrancheraient des parents mal informés et des spécialistes peu consciencieux, au détriment des enfants.

C’est la raison qui a motivé pour quatre professionnelles canadiennes la tenue d’un Webinaire, intitulé « la douance à outrance : il est temps de remettre les pendules à l’heure » dont nous serions curieux de connaître les conclusions.

Douance, haut potentiel, de quoi parle t-on au juste ?

La discussion part toujours de la difficulté à donner une définition du haut potentiel et à en marquer les contours et les limites. Sans doute que dans une certaine mesure, la difficulté rencontrée par les parents à aborder le sujet en toute simplicité, difficulté ayant entraîné les récents et successifs changements de termes pour aborder la même problématique, a donné lieu aussi à une forme de relativisation générant des abus et des imprécisions.

Cette visibilité accrue semble avoir permis à de plus en plus de Québécois de parler de douance sans craindre de passer pour élitistes.

https://www.lesoleil.com/actualite/la-douance-a-outrance

Parce qu’il est plus facile d’évoquer des difficultés ou des défauts, n’aurait t-on pas trop mis l’accent sur ces facteurs négatifs (anxiété, troubles divers….) au risque d’éluder presque complètement l’idée première de facultés, habiletés ou aptitudes manifestes *, hors norme, touchant différents champs du développement humain ?

Il est d’ailleurs périlleux et extrêmement embarrassant de prendre rendez-vous avec le corps éducatif sous le simple prétexte de « douance » (quelle arrogance ! ), pour évoquer les besoins particuliers de nos enfants. S’il va mal par ailleurs cela facilite les choses et permet d’ouvrir la discussion !

Ainsi tous les troubles, de caractère en particulier (sensibilité, colère…) pourraient relever du haut potentiel, de la même façon que les identifications ne sont recommandées qu’en cas de problème… Mais est-ce la bonne solution ? L’enfant ne risque t-il pas de se construire uniquement par défaut et de développer des troubles réels liés à la non-prise en compte de son mode de fonctionnement (fulgurance, perspicacité, vivacité, intensité, pour ne citer que des aspects positifs ! ).

Au Québec, poursuit Marie-Claude Guay, « actuellement, le problème qu’on constate, c’est qu’il y a énormément d’enfants qui sont identifiés comme des enfants qui ont une douance alors qu’ils ont un potentiel intellectuel tout à fait normal. Ça, pour moi, c’est un grave problème ».

Mme Guay, auteur du livre « ces enfants qui apprennent autrement » reçoit à sa clinique des enfants qui ont des difficultés scolaires ou des problèmes de comportements à l’école plusieurs mois, voire des années, après qu’ils eurent reçu un diagnostic de douance. « Et en bout de ligne, quand moi je les évalue, je retiens, mettons, un diagnostic de dyslexie, et je suis obligée de dire aux parents “votre enfant n’a pas une douance intellectuelle” ».

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Le test de QI, outil de mesure nécessaire mais pas forcément suffisant.

Quels que soient les signaux d’alerte, ou le faisceau de présomptions, le test de QI pratiqué auprès d’un professionnel compétent est le seul outil permettant d’établir un profil cognitif apparenté à la douance.

Comme Mme Guay, de l’UQAM, Nancie Rouleau déplore que certaines évaluations de douance soient basées sur l’intuition d’un expert plutôt que sur des balises scientifiques rigoureuses.

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Si le bilan homogène ne permet aucun doute, le bilan hétérogène (avec des écarts conséquents selon les indices), pose une interrogation et mérite d’être approfondi.

Selon Mme Bélanger, l’intérêt pour la douance a notamment permis à des gens de réaliser qu’on peut être à la fois doué et avoir des troubles d’apprentissage, comme la dyslexie, ou des troubles neuro-développementaux, comme le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. Les psychologues parlent alors d’une «double exceptionnalité» — «twice», en anglais.

Mais l’inverse est aussi vrai, souligne-t-elle. Nancie Rouleau a souvent identifié des douances chez des enfants qui avaient reçu précédemment un diagnostic de trouble de l’attention avec hyperactivité ou de trouble de l’opposition. Certains avaient une double exceptionnalité. «Mais dans les pires cas, il n’y avait pas de TDAH ou pas d’opposition. Et quand on a changé l’intervention pour prendre en charge une douance, les symptômes diminuaient».

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Le cas particulier de l’attention

Il mérite qu’on s’y attache quelque peu car en effet pour cette aptitude particulière, il me semble qu’il reste très difficile en cas de haut potentiel de poser des balises fiables.

Nous venons de voir que le trouble de l’attention peut relever d’une erreur diagnostique s’il est posé à la légère sans évocation d’un probable haut potentiel, et qu’à l’inverse il peut cohabiter avec la douance, nécessitant dans les 2 cas des prises en charge différentes.

Je me pose par contre toujours la question de la « faisabilité » de la focalisation efficace de l’attention des enfants à haut et très haut potentiel en contexte scolaire. J’ai déjà évoqué le sujet dans cet article et complète un peu mon questionnement :

Ne sont-ils pas d’emblée voués à devenir déficitaires à ce niveau dans la mesure où la sollicitation dont ils ont besoin ne peut être fournie de façon constante tout au long de la journée ?

Serait-il possible d’établir une mesure d’un niveau de sollicitation attentionnel satisfaisant pour leur cerveau, afin de fonctionner dans les mêmes proportions que les autres enfants dont l’attention est bonne ?

Que peut-on et que doit-on leur apporter afin que leurs apprentissages soient efficaces ?

Approfondissement, enrichissement, accélération… sans doute, mais dans quelle mesure, jusqu’à quel point ?

Car en effet toutes ces questions, remises en question…sur le haut potentiel, peut-être maladroites parfois, visent le seul objectif de l’épanouissement, scolaire et social de nos enfants. Et sans doute en parlerions-nous moins ou très peu si leur accompagnement était évident !

En ce moment, la douance, c’est une mode. Tant mieux, dit Marianne Bélanger, neuropsychologue spécialisée dans la douance et auteure du livre La douance : comprendre le haut potentiel intellectuel et créatif. C’est ça qui est bon, c’est ça qui fait qu’on avance comme société parce qu’on a cette conversation-là».

*aptitudes manifestes : en principe manifestes dans tous les contextes mais s’expriment plus facilement dans un contexte favorable et dans lequel l’enfant se sent en sécurité. Un décalage visible en fonction de l’environnement de l’enfant est à signaler et à prendre en compte.

Lire l’article en entier sur Lesoleil.com

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