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Haut potentiel : comment favoriser les apprentissages ?

Les neurosciences avancent et nous en disent plus sur le rôle des fonctions cognitives de haut niveau (métacognition, planification, résistance aux automatismes, régulation émotionnelle) dans le développement cognitif et socio-émotionnel et dans les apprentissages scolaires de l’enfant. Comment interpréter ces données en cas de haut potentiel ?

Fille précoce lisant un livre

Toujours intéressée par les questions d’apprentissage de l’enfant, je viens d’écouter une conférence instructive donnée par Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation et directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Education de l’enfant, dans le cadre du Festival Cerv’Odyssée 2022 de Marennes-Hiers-Brouage.

La conférence, intitulée « Remotiver les cerveaux des élèves à apprendre dans l’école post-covid », traite, au-delà du traumatisme lié au covid, des conditions et compétences nécessaires pour permettre aux enfants d’apprendre dans un monde qui évolue.

Comme d’habitude, et parce que la conférence est assez longue mais néanmoins passionnante, je tente d’en extraire les points essentiels et d’adapter ma grille de lecture au profil particulier des enfants ou élèves à haut potentiel.

Quelques questionnements sur le rôle de l’école maternelle :

Certains marqueurs sont présents très tôt et constituent pour l’école des points de vigilance et de renforcement afin de réduire les inégalités face aux apprentissages. Quels sont-ils ?

Le professeur Borst évoque l’importance de l’acquisition et de la compréhension du langage oral pour favoriser les apprentissages ultérieurs que sont la lecture et l’écriture.

Le nombre de mots que vous avez dans votre vocabulaire est un des prédicteurs de l’apprentissage du langage et de l’écrit.

Il insiste sur le fait que la compréhension et l’expression orale devraient être prépondérantes et préalables à l’acquisition de la lecture et des phonèmes.

À cette problématique d’acquisition du langage s’ajoute celle des feed-backs positifs reçus par les enfants. Le jeune enfant, pour bien s’épanouir, a besoin d’encouragements et de retours positifs sur ses compétences. Les interactions personnelles basées sur les encouragements sont bénéfiques alors que les feed-backs négatifs sont délétères pour les enfants.

Il ajoute une autre variable, celle du stress de l’enfant, qui elle aussi dépend beaucoup de l’environnement dans lequel il grandit. Un lien est établi entre l’anxiété, le statut socio-économique des familles et l’acquisition des compétences en mathématiques.

En quoi ces 3 points – langage, feed-back positif, anxiété – représentent-ils aussi des points de vigilance pour l’enfant à haut potentiel ?

Si l’on comprend l’enjeu majeur à travailler sur ces points pour tous les enfants, on imagine moins dans quelle mesure le haut potentiel, dans ce contexte, représenterait un risque ou un point faible.

Le langage :

L’acquisition et la compréhension du langage sont effet les points forts, remarquables de façon précoce, de l’enfant à haut potentiel. Il n’aurait donc a priori aucun problème d’apprentissage.

Face à un enfant à haut potentiel très à l’aise oralement, le premier réflexe est de tenter de compenser en augmentant le niveau ou la rapidité des apprentissages qui s’avèrent souvent insuffisants, déjà en maternelle.

Par contre, on pense moins à la difficulté du jeune enfant, qui s’exprime très bien, emploie non seulement un vocabulaire riche et varié mais en maîtrise aussi le sens, à échanger avec le groupe dans lequel il se trouve. Son décalage joue fortement sur sa capacité à interagir avec les autres, à échanger de façon fluide et risque de devenir une source d’incompréhension voire de forte anxiété, d’énervement, d’irritabilité, de mutisme dans le pire des cas.

L’effet « groupe par tranche d’âge » n’est pas forcément propice à une expression spontanée et naturelle telle qu’elle le serait hors cadre scolaire. Les rares occasions d’échanger de façon fluide qu’aura un jeune enfant à haut potentiel seront celles qui lui sont accordées par les adultes, enseignants, atsem, psychologue scolaire, enfants plus âgés… Sa tendance naturelle à aller vers les enfants ou personnes plus âgées est significative de sa difficulté à communiquer aisément avec ses pairs.

Autant il est important de surveiller et de combler d’éventuels déficits de capacités langagières, autant il faut pouvoir repérer un enfant au langage très développé pour son âge afin que ses capacités ne soient pas mises en veille.

Reconnaissance, félicitations :

La notion de feed-back positif, quant à elle, nécessite que les capacités et efforts des enfants à haut potentiel soient reconnus. Les encouragements ne se feront peut être pas sur le même plan et n’interviendront pas dans le même contexte global que pour les autres :

  • savoir reconnaître un travail bien fait même s’il semble facile
  • le mettre en situation d’effort afin qu’il vive l’attente de la récompense
  • l’encourager à exécuter des tâches plus difficiles pour lui : motricité, soin, défi…
  • Veiller à ce que l’imaginaire associant le haut potentiel à un statut de réussite n’entraîne pas de négligence face au besoin de retour positif. Trop de réussite peut être synonyme de manque à combler.

L’anxiété est un facteur de risque très présent chez le jeune enfant à haut potentiel :

  • Anxiété liée au décalage vécu avec les autres qui, s’il persiste, à défaut d’ajustement scolaire, peut engendrer des problèmes d’apprentissage.
  • Anxiété environnementale et/ou émotionnelle liée à une forte sensibilité. La compréhension précoce du langage chez le jeune enfant peut le mettre en situation inconfortable car il perçoit et interprète ce qui est dit et s’y attache. Le jeune enfant à haut potentiel est rarement un enfant insouciant au regard de sa capacité à analyser son environnement, contrairement à la majorité des jeunes enfants.

Le quotient intellectuel serait, parmi les facteurs de réussite scolaire, le moins déterminant. Cela explique et démontre l’importance de jouer sur les autres facteurs prédictifs de réussite que sont le déterminisme social et les capacités de maîtrise de soi, soit de développer les compétences socio-émotionnelles des enfants.

Celles-ci sont dites « prioritaires » afin de permettre l’épanouissement des enfants. Cela pose encore une fois la question du groupe et de la place de l’enfant à haut potentiel.

Par maîtrise de soi, il faut entendre à la fois la capacité à réguler ses émotions ou impulsions et aussi la compétence plus complexe à résister à un automatisme acquis ou inhiber un automatisme de pensée pour résoudre des problèmes plus complexes.

Cette faculté d’inhibition est assez présente chez l’enfant à haut potentiel qui a la capacité d’anticiper et de poser des questions qui vont bien au-delà du sujet proposé. La problématique pour l’enfant précoce est plutôt la survenance jugée trop prématurée de ces questions auxquelles il est difficile pour le milieu éducatif de répondre de façon adéquate en tenant compte du groupe. J’ai en tête l’exemple des nombres négatifs, notion facilement abordée et comprise avec mes enfants dont l’apprentissage officiel ne se fait qu’au collège.

Nous constatons encore un fois un grand décalage sur ces capacités de maîtrise de soi qui, mal comprises et à défaut de réponse appropriée, mettent l’enfant à haut potentiel en situation de grand inconfort.

Il ne pourra favorablement s’épanouir que dans un groupe au sein duquel il pourra avoir de véritables interactions sociales et dans lequel les apprentissages seront effectifs afin de pouvoir lui aussi évoluer dans un système d’effort-reconnaissance-récompense. A cet égard, les enfants à haut potentiel provocateurs ou agités sont bien souvent des enfants pour lesquels on tarde, ou on hésite, à adapter la scolarité sous prétexte justement de non-maîtrise de soi !

Je me suis un peu attardée sur ces 3 points critiques pour un bon démarrage scolaire. Cela m’a semblé important parce que les années de maternelle influent énormément sur l’équilibre émotionnel de nos enfants et que malgré leurs capacités cognitives fortes, ils n’ont pas les armes psycho-affectives pour se débrouiller seuls avec leur quotidien. A nous et aux adultes qui les suivent d’être attentifs et à l’écoute pour que leur nécessaire identification ne tarde pas.

Je résume rapidement la suite de ce que je voulais relever pour ceux qui n’auront pas le temps de regarder toute la vidéo.

Quelles motivations pour favoriser les apprentissages :

« Je crois qu’il faut qu’on prenne conscience que quand on a des élèves avec dans les poches un terminal numérique qui leur permet d’accéder à toute la connaissance en 15 millisecondes, ça change le rapport aux savoirs ! »

Grégoire Borst

En effet face aux changements liés au numérique principalement, le rapport des enfants à l’enseignement scolaire a probablement changé et ils ont besoin de leviers motivationnels. C’est d’autant plus vrai pour les enfants curieux qui ont le moyen d’assouvir leur soif de connaissance par eux-mêmes et n’ont plus besoin d’attendre une proposition extérieure.

Quels sont ces leviers ?

  • Expliquer le sens et la finalité des apprentissages : c’est d’autant plus vrai pour l’enfant à haut potentiel qui agit dans le but de satisfaire sa curiosité et se questionne toujours sur le sens de ses actes. Il n’aime pas perdre son temps inutilement.
  • Permettre aux enfants d’être pleinement investis dans une situation d’apprentissage, par des travaux de groupe.
  • Donner un but, une motivation : j’ai été heureuse d’entendre que le plaisir d’apprendre devrait être une fin en soi et regrette comme le Pr Borst qu’en situation scolaire l’intérêt et le plaisir à la réalisation d’une activité ne soient pas perçus comme une motivation intrinsèque pour une majorité d’enfants. Pour nos enfants qui aiment apprendre, l’accélération réalisée au moment opportun reste un moyen de nourrir cette envie d’apprendre.

A défaut, on activera des systèmes de motivation extrinsèques comme la récompense, la multiplication des défis… Mais attention aux risques de dépendance ! J’en parlais dans l’article suivant qui complètera mon propos :

https://www.enfantsprecoces.info/le-cerveau-de-lenfant-surdoue-et-la-motivation-dans-lapprentissage/

Pour ceux qui auront le temps de tout écouter, je vous indique le lien vers la vidéo complète.

N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires, analyses, solutions pour favoriser le bien-être de nos enfants à haut potentiel à l’école et dans le groupe.

4 commentaires

  1. Bonjour, merci pour cet article très intéressant. Néanmoins vous n’abordez pas la question du jeu qui a une grande place en maternelle. Et l’utilité ou pas du saut de classe en maternelle.
    Merci pour votre réponse.

  2. Bonjour Julie,

    En fait j’aborde indirectement la question du saut de classe en parlant du groupe dans lequel l’enfant pourra s’épanouir, et bien souvent ce groupe n’est pas celui des enfants du même âge. Mes enfants par exemple ont tous eu besoin d’un saut en maternelle afin d e pouvoir s’extorioriser et pratiquer des activités un peu plus stimulantes. La difficulté à ce stade est d’accepter le réel décalage existant entre les capacités motrices des enfants et leur niveau de compréhension, langage qui n’évoluent pas au même rythme. Par ailleurs sans stimulation « intellectuelle » l’aspect moteur peut paraître en retard alors que ces enfants ont juste besoin d’un levier pour agir. Je vous donne l’exemple en Ps de mon aîné qui ne jouait pas comme les autres en salle de motricité. Lors d’une séance de jeu du loup pendant laquelle il était resté tranquille sur les bords sans bouger, il avait expliqué n’avoir pas besoin de bouger tant que le’loup ne s’approchait pas de lui ! Et donc pour le jeu c’est pareil, oui ils ont besoin et aiment jouer mais leurs réactions vont dépendre des propositions qu’on leur fait.
    J’avais écrit un article exprimant mon point de vue sur l’école maternelle que je vous mets en lien : :https://www.enfantsprecoces.info/ecole-et-enfant-precoce-comment-eviter-la-frustration/
    N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires.

  3. Bonjour,
    Cet article est très intéressant mais vous n’abordez pas le problème pour les enfants plus âgés. L’apprentissage est tout aussi compliqué plus tard. Pour mon fils de 11 ans, rien ne trouve grâce à ses yeux au collège. Aucune matière, selon lui, ne lui servira plus tard. Il fait ses propres apprentissages à travers internet… il travaille très bien, a de bons résultats scolaires, même si en baisse, mais il n’a strictement aucune motivation. Et là, ça devient très compliqué à gérer. Je me retrouve en revanche sur les relations importantes pour lui avec lesquelles il devrait pouvoir se retrouver, un socle une base pour lui, mais qu’il a perdue du fait d’un déménagement, et qu’il ne retrouve pas.

  4. Bonjour Maud,

    Pour votre fils j’ai l’impression que ce ne sont pas les apprentissages à proprement parler qui posent problème mais plutôt leur niveau et le sens que le corps enseignant peut y apporter face à ses capacités. Certains enfants s’adaptent et prennent leur mal en patience si par ailleurs ils trouvent une forme de satisfaction à fréquenter le groupe, échanger avec des amis, même si à terme cela n’est pas forcément suffisant non plus. Vous avez raison d’être attentive face à l’isolement qu’a l’air de vivre votre fils face à son manque d’intérêt global pour les apprentissages et à son absence de relations.
    Avez-vous abordé la question du haut potentiel avec son établissement scolaire ? Je pense qu’il faut pouvoir lui proposer des aménagements pour qu’il retrouve une motivation à travailler, qui peuvent prendre différentes formes (approfondir certaines matières, a t-il une matière favorite ? un prof qu’il trouve sympa ?, travaux de groupe sur un sujet qui lui plait afin de faciliter les relations avec les autres). Sinon trouver aussi une activité sportive, artistique, culturelle, scientifique…qui lui permette de nouer des contacts avec des enfants d’âges différents et pour laquelle il puisse se réjouir, en plus de ses découvertes sur internet.
    Dans tous les cas le haut potentiel nécessite fatalement un aménagement à un moment donné et s’il n’a bénéficié d’aucune accélération jusqu’à présent, il est fort probable que les complications qui s’annoncent viennent d’une forme d’ennui et d’isolement qu’il faut pouvoir rompre..

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