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Haut potentiel intellectuel : pourquoi est-il si important d’être identifié et reconnu dans sa différence ?

Se rendre chez un psychologue pour passer un test de QI n’est pas anodin. L’annonce du résultat en particulier est souvent vécue de façon très intense par les personnes, enfants ou adultes, qui viennent d’effectuer le test.

haut potentiel intellectuel : connaître sa différence est primordial !

Journaliste indépendante et surdouée elle-même, Daisy Lorenzi vient de publier Singuliers &.ordinaires : parcours d’adultes à haut potentiel intellectuel, un recueil de témoignages autour des individus HPI. A l’occasion de la sortie de cet ouvrage, son éditeur a mis en ligne deux vidéos non dénuées d’intérêt et qui répondent en grande partie à la question. La première donne la parole à l’auteur, qui insiste sur l’importance pour les personnes concernées de pouvoir identifier et nommer leur différence. La seconde nous propose d’écouter l’avis sur ce sujet de Marie-Christine Cornou, psycho praticienne en approche gestalt thérapie. J’ai retranscrit ici l’intégralité des deux vidéos pour vous mais vous pouvez bien entendu les visionner si vous préférez.

Etre reconnu comme surdoué est libérateur

Ça veut dire quoi être à haut potentiel ?

Toutes les personnes que j’ai rencontrées et, en fait , la majeure partie des personnes à haut potentiel, je pense, ont une pensée dite « en arborescence ». En principe, la majorité des gens vont avoir une pensée qu’on dit linéaire : une idée en amène une autre, qui en amène une autre… comme quand on nous demande d’écrire une dissertation.

Chez les personnes à haut potentiel le fonctionnement par défaut n’est pas celui-là. C’est d’avoir une idée qui va en amener trois autres, qui vont elles-mêmes en amener plein d’autres et voilà, ça fait un peu un arbre, une arborescence.

C’est compliqué le rapport aux autres pour les personnes à haut potentiel intellectuel ?

Chez beaucoup de personnes à haut potentiel le rapport aux autres peut être assez compliqué par le fait que, très jeune, on va se sentir en décalage. Ça va être des petites choses : des réactions que, autour de nous, nos camardes vont trouver tout à fait inappropriées et nous le faire remarquer, des centres d’intérêt qui ne sont pas de nos âges, souvent les adultes nous disent que ce n’est pas de nos âges. Une façon de s’exprimer aussi parfois qui peut-être, pareil, pas de nos âges.

En fait, le fait de grandir comme ça, avec cette notion que « OK, il y a un décalage, OK je suis bizarre par rapport aux autres, le problème c’est moi puisqu’on me dit que ce n’est pas comme ça normalement », nécessairement, dans le rapport aux autres, ça peut conduire à des difficultés. C’est le fait de porter un masque, dans le rapport aux autres on va jouer un rôle. On va jouer le rôle que l’autre personne attend pour compenser le fait qu’on a le sentiment de ne pas être dans la norme. Pour moi, c’était de lisser le plus possible ma personnalité, de ne surtout pas faire de vague parce que si j’avais l’air un peu trop délurée je pourrais peut-être me faire remarquer et ce serait bizarre. Et du coup, ne pas assumer du tout ce que j’étais de peur que les gens me trouvent bizarre.

Le diagnostic, une libération ?

En général, ça fait vraiment l’effet d’une bombe parce que, soudainement, on comprend que ce qu’on trouvait bizarre, ce que l’on ne trouvait pas normal dans nos réactions, on comprend d’où ça vient, on comprend comment ça fonctionne et, à partir de là, vu qu’on comprend l’origine des choses, on peut enfin commencer à le contrôler. Donc, finalement, je pense que le diagnostic aide énormément quand on se pose des questions, quand on sent qu’il y a un décalage qui nous pose problème. A ce moment-là, mettre un mot sur cette différence, c’est hyper libérateur.

C’est mieux d’être diagnostiqué tôt ?

S’il commence à se présenter des difficultés, à l’école par exemple, ça peut être intéressant de savoir que son enfant est à haut potentiel. Déjà, ça peut être intéressant car l’école peut mettre en place des choses pour s’adapter. Et tout simplement, ça permet aussi que l’enfant se sente compris. Je pense que ça peut éviter ce genre de parcours où l’on va grandir en se sentant bizarre et en ne comprenant pas d’où ça vient.

Quels préjugés sur les HPI devraient-on combattre ?

Je pense qu’il y a deux choses, deux gros stéréotypes qu’on a. Je pense qu’il y a encore chez beaucoup de gens l’image que la personne à haut potentiel est surdouée : c’est forcément quelqu’un qui réussit super bien, super vite, super fort. Moi, on me l’a plus ou moins dit en me disant : « ce n’est pas possible, ça se serait vu à l’école, t’aurais sauté des classes si tu étais super intelligente ». Je ne suis pas super intelligente, c’est ça le truc. C’est que les gens ont tendance à penser que le haut potentiel, c’est forcément quelqu’un qui a 160 de QI et qui va fonder le prochain Tesla. Cette image-là est encore hyper répandue.

Et après, il y a son total opposé, qui veut que, du coup, les personnes à haut potentiel sont forcément torturées. Ça se retrouve beaucoup dans des groupes liés à ça. Parce que, oui, il peut y avoir des malaises et, à un moment, on a envie d’en parler, il y a des moments où le haut potentiel peut poser des problématiques – moi ça a été le cas – et ça l’est quand on s’ignore. Donc c’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui vont aller consulter des psys, etc., mais ça ne veut pas nécessairement non plus dire que pour toutes les personnes à haut potentiel se serait une tare et que, forcément, ça va être un handicap.

Que dire à ceux qui se demandent s’ils sont à haut potentiel intellectuel ?

Je pense qu’il faut lire tout ce qu’il y a sur le sujet ! C’est toujours génial parce que, pour beaucoup d’entre nous, c’est ce qui a permis de faire une première identification. Si ça éclaire quelque chose, je pense qu’il ne faut pas avoir honte ou peur d’en parler. Il faut en parler aux bonnes personnes, aux personnes qui sont au courant de ces sujets-là. Donc des groupes de haut potentiel, sur Facebook ou autres. Il y a des associations aussi, l’association Mensa mais aussi des associations locales, ça peut être bien d’aller les voir juste pour discuter avec les personnes. Voir aussi s’il existe dans sa région des psys spécialisés dans le haut potentiel, ça peut aider. Et, via eux, passer un test de QI pour confirmer ou non. C’est une piste à explorer, on n’échoue pas à un test de QI, ça donne une mesure, ça nous positionne quelque part, ça peut être intéressant à savoir. Donc, ce que je conseille à toutes les personnes qui s’interrogent, c’est de continuer à s’interroger, de ne pas hésiter, de ne pas avoir honte d’en parler, de ne pas penser que ça va vous faire passer pour super prétentieux. Ça vaut le coup de creuser.

C’était quoi l’objectif de ce livre ?

Je pense que je m’adresse clairement à des personnes qui se poseraient des questions. Ça vise à dédramatiser le sujet aussi, à dire : il y a ces particularités chez les uns, chez les autres et, vous voyez, finalement, les personnes que j’ai interrogées ont toutes des profils et des vies différents, on est tous différents dans le fond. Il y a plein de choses qui nous lient, sur plein de choses on se comprend les uns les autres. Je me suis souvent dit que je n’étais totalement inadaptée, que je n’allais pas y arriver et finalement, le fait de me comprendre m’a fait me dire que rien n’est figé et qu’on peut tirer le meilleur de soi-même.

Au final, le haut potentiel intellectuel… un plus ou un moins ?

Le haut potentiel, pour reprendre une expression de Marie-Christine Cornou qui est gestalt thérapeute, c’est un amplificateur. Dans le mauvais, c’est sûr parfois, quand ça ne va pas bien. Mais aussi dans le bon, dans ce qu’on peut ressortir, dans cette idée d’avoir toujours envie de s’intéresser à 50.000 trucs ou alors, quand on s’intéresse à un sujet, on y va à fond. Pour moi, ce n’est pas nécessairement une chance, mais vu que c’est quelque chose qui fait partie de nous, autant en faire une force. C’est comme ça que j’ai envie de le voir en tout cas.

Singuliers et ordinaires : Parcours d’adultes à haut potentiel intellectuel

Certains ont été qualifiés de « précoces » dès l’enfance, d’autres se sont sentis « différents » la majeure partie de leur vie, sans savoir pourquoi… Mais tous ont un point commun : ils sont ce que l’on appelle des personnes « à haut potentiel intellectuel ». Autrement dit, avec un QI supérieur à la moyenne… sans que, nécessairement, leur destin ne soit « extraordinaire ». L’auteure, elle aussi, découvre à 30 ans qu’elle appartient à cette étrange catégorie de personnes souvent surnommées, à tort, « surdouées ». Ni plus intelligente, ni plus douée… impossible pour elle de se reconnaître dans ce mot, même si, il est vrai, elle a toujours éprouvé ce sentiment étrange, ce décalage avec le monde qui l’entoure. Pour dépasser ses propres préjugés et comprendre ce que cela signifiait vraiment être « HPI », Daisy Lorenzi a interrogé des femmes et des hommes concernés. Comment avoir un « haut potentiel » change-t-il les ressentis, la façon de penser, la relation aux autres ? Quelles sont les points communs qui rapprochent toutes ces personnes et qu’est-ce qui les distinguent ? Surtout, à quoi cela sert-il de mettre un nom sur sa différence ? Le « diagnostic » est-il une libération ? Et soudainement, tout s’est éclairé. Dans un jeu de miroirs, ces femmes et ces hommes lui ont fait comprendre qui elle était vraiment. Que leurs singularités n’étaient qu’une part d’eux-mêmes et qu’en prendre conscience, les embrasser, permettait d’entamer le plus grisant des voyages : celui où l’on devient enfin soi-même !

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Comment définir le Haut Potentiel Intellectuel ?

Alors, Haut Potentiel Intellectuel ! Donc, au sens strict, c’est un quotient intellectuel supérieur à 130.

Pourquoi les appeler les « Zèbres » ?

Ce nom a été donné la première fois par Jeanne Siaud-Facchin pour parler de ces individus qui ont un haut potentiel intellectuel et qui sont tous différents, qu’il ne faut pas enfermer dans une case parce qu’ils ont des rayures différentes. Et que le zèbre est le seul animal (en fait équidé NDLR) qui n’a pas été domestiqué par l’homme.

Comment expliquer leur particularité ?

En tout cas, tout ce qui m’est raconté en séance, c’est ce sentiment d’être « plus » que les autres : si l’on parle de sensibilité, il y a le sentiment d’être plus sensible que les autres, plus empathique que les autres. Plus extraverti ou plus introverti. Cette notion de démesure dans des sentiments, des réactions…

Y-a-t-il un profil type de haut potentiel intellectuel ?

On parle de « potentiel » donc, du coup, effectivement, il y a quelque chose au sens de la configuration du cerveau à la naissance et puis, après, il y a une possibilité de développer ou pas ce potentiel. Donc en fonction peut-être du milieu social, des possibilités, intellectuelles, financières, etc… du milieu où arrive cet enfant un peu particulier, il y aura des ouvertures différentes pour lui permettre d’aller suivre des cours de chinois ou d’astrophysique… Peut-être des écoles particulières et puis une sensibilisation à la détection plus rapide. Mais, en tout cas au départ, a priori, il n’y a pas de différence.

Quel rôle peut jouer le diagnostic ?

S’il y a eu des difficultés dans l’enfance, dans l’adolescence, des rejets, parce que les autres personnes ne vous comprenaient pas, alors ça répare, ça vient réparer quelque chose. Au moins c’est ça. Il y aussi quelque chose qui est autour de « Je suis en-dehors de la norme », par rapport à un QI au-dessus de 130 on va dire qu’on est dans les 2 % de la population et donc on est en-dehors de la moyenne, de la majorité plutôt. Ce questionnement par rapport à la norme, et du coup, est-ce que je suis normal, est-ce que je ne suis pas fou, le diagnostic vient rassurer, vient mettre un mot sur la différence.

Quels sont les clichés sur les personnes à haut potentiel intellectuel ?

Le mythe du génie, de l’Einstein ou du Mozart ! Qui va réussir dans tout, qui est bon en maths, déjà c’est très axé sur les maths ! Qui doit réussir à l’école, qui n’aura pas de problème et que s’il est intelligent il va s’adapter à tout dans la vie et il va être heureux. Il y en a sûrement et je suis très heureuse qu’il y ait des HPI qui aillent très bien, mais ce n’est pas le cas pour tous.

De quoi peuvent souffrir les personnes à haut potentiel intellectuel ?

En fonction de l’histoire de la personnes, des sentiments de rejet qu’il y a pou avoir dans l’enfance parce qu’il y avait des décalages avec les autres enfants par exemple, des décalages avec les frères et sœurs, peut se mettre en place un mécanisme de défense psychique, de sur-adaptation, de « je vais essayer de m’adapter au monde, de m’adapter à ce que l’on attend de moi ». Du coup, une construction, comme protection, d’un « faux-self », une espèce de carapace qui va être en contact avec le monde extérieur. Du coup, il y a ce sentiment d’être quelqu’un et de ne pas être perçu dans ce que je suis réellement parce qu’il y a cette stratégie d’adaptation qui se met en place. et du coup, ce décalage entre l’interne et la face sociale crée ce sentiment de ne pas être dans l’authenticité.

Un conseil pour les proches des HPI ?

Les accepter, tels qu’ils sont ! Après, c’est toujours difficile de faire la différence entre ce qui, dans le comportement, dans l’être au monde de la personne, est dû au HPI et à son histoire, à sa personnalité de départ,.. En tout cas, respecter ou entendre les difficultés de ce sentiment de décalage, hypersensibilité et essayer de faire avec… mais bon, c’est parfois difficile !

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Pour vous ou votre enfant, quels effets a eu la révélation du haut potentiel intellectuel ? Cela a–t-il entraîné des changements observables, des évolutions dans votre comportement au quotidien, vos projets, votre vie sociale, familiale ou professionnelle ? Donnez votre avis ou racontez votre expérience à travers l’espace de commentaires de cet article si vous le souhaitez.

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