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La scolarisation des enfants à haut potentiel en pratique

Lundi dernier, l’émission Envie d’avenir sur RCF recevait Gaelle Ménard, directice et enseignante de sa propre école pour enfants à haut potentiel.

10 idées simples pour bien accompagner les enfants précoces à l'école

La scolarité des enfants surdoués peut poser problème tant leur fonctionnement intellectuel ou moteur peut différer de celui des autres enfants. Ils ont des besoins éducatifs particuliers que le système scolaire classique ne parvient pas toujours à satisfaire. Forte de ce constat, Gaëlle Ménard a ouvert son école, Zèbr’ailes, à Pontoise afin d’accompagner au mieux ces élèves.

Vous pouvez écouter l’émission animée par Jean-Marc Louis en podcast ci-dessous, ou lire notre retranscription complète si vous préférez.

Jean-Marc Louis : – Vous êtes puéricultrice de formation, qu’est-ce qui vous a amené à créer cette école ?

Gaëlle Ménard : – C’est un parcours surtout personnel, j’ai dirigé des crèches familiales et collectives, et puis je suis devenue maman et j’ai eu un petit garçon qui a été détecté à haut potentiel très tôt, à ses trois ans. Je me suis donc plongée dans ce domaine là, et il a dû être scolarisé dans une école différente où j’ai eu la chance de pouvoir enseigner. Je m’y suis sentie bien, j’ai pu créer, observer, inventer, adapter toute une pratique et des méthodes pour ces enfants-là. J’ai souhaité ensuite approfondir toute cette conception de la pédagogie en créant ma propre école. J’étais freinée dans les écoles classiques étant donné que je ne gérais qu’une classe et qu’il n’y avait pas de dynamique d’équipe autour de ces façons de faire, ce qui est gênant car pour moi il faut une continuité pour asseoir une conscience en soi des méthodes de travail et que l’enfant ne profite pas d’une méthode une seule année.


Identifier et accompagner l'élève à haut potentiel intellectuel

Lisez notre guide sur l’élève à haut potentiel intellectuel

Ce guide, déjà diffusé à plus de 13.000 exemplaires, est spécialement destiné à informer les enseignants sur l’élève à haut potentiel intellectuel, son identification et sa prise en charge à l’école. Il peut être remis directement à l’enseignant de votre enfant ou vous servir de base d’argumentation si vous avez à mener une discussion avec un enseignant.


Votre école s’appelle Zèbr’ailes, c’est ça ?

Tout à fait. « Zèbre » fait référence au terme créé par Jeanne Siaud-Facchin qui désigne ainsi les enfants à haut potentiel pour montrer que ce sont des enfants comme les autres. Les enfants à haut potentiel apparaissent comme les autres, mais ont ces particularités qu’il faut prendre en compte. La femelle du zèbre est la zébrelle, j’ai fait un jeu de mots avec « les ailes » pour donner des ailes à ces enfants là, leur permettre d’aller de l’avant, de se sentir bien et d’affronter ensuite les études secondaires sereinement.

Vous avez utilisé plusieurs terminologies, vous avez parlé de zèbres, de haut potentiel, on entend parler d' »intellectuellement précoce », est-ce que tous ces termes recouvrent la même réalité d’un enfant ou est-ce qu’il y a des nuances que vous apportez à cela ? Qui sont ces élèves ?

Je n’ai pas que des élèves à haut potentiel, mais ils composent quand même l’essentiel de ma classe. Le terme officiel actuellement est plutôt « haut potentiel intellectuel » (HPI). Il y a eu toutes sortes de dénominations suivant les psychologues, les secteurs… Finalement c’est un enfant qui a un QI supérieur à 130, avec un fonctionnement différent, un raisonnement différent, un mode de pensée différent, des domaines où il va beaucoup plus vite mais aussi une sensibilité exacerbée. Ce sont tous les mêmes, mais on a des personnalités très différentes de l’un à l’autre ; ils ont leurs affinités, on ne peut pas dire que quelque chose qui marche pour l’un va forcément marcher pour l’autre. On les retrouve sur certains traits, les envies, l’imagination, mais chacun a son caractère.

Alors qu’est-ce qui ne va pas pour eux dans le système scolaire ordinaire ?

Ils ont souvent un décalage, une dyssynchronie entre leur âge intellectuel et leur âge moteur réel. J’ai des élèves qui vont à cinq ans en CE1 ou à huit ans en CM2 ; ils avancent à un autre rythme sur le plan intellectuel, tout en gardant leur maturité et la façon de faire d’un enfant de leur âge. Ils doivent être pris en compte dans cette particularité de fonctionnement. Dans un système classique, certaines enseignants vont les faire avancer plus vite, leur faire sauter des classes… mais ils vont alors être en décalage d’âge avec les autres enfants : c’est assez difficile à vivre pour eux, parce qu’ils peuvent être stigmatisés. Et la connexion avec les autres a du mal à se faire aussi ; certaines prennent sur eux, certains ont ce côté social développé, d’autres ont des centres d’intérêt tellement différents qu’ils ne peuvent pas créer de liens avec les autres enfants. Et c’est douloureux pour eux car ils ressentent cette différence et la vivent comme quelque chose qui est de leur faute. C’est très compliqué en terme d’épanouissement personnel.

Vosu avez donc ouvert cette école, comment interpréter cette intention ? Est-ce que, quelque part, c’est renvoyer à l’Éducation Nationale l’image de son insuffisance, ou est-ce une action de complémentarité par rapport à l’école ?

Moi je le vois plus comme une action de complémentarité en effet : c’est prendre le relais pour certains enfants qui ne peuvent pas vivre leur scolarité normalement pendant un certain temps, c’est les aider à se consolider, à avoir des acquis solides et une confiance en eux assez forte pour après retourner vers le collège et réintégrer le système classique. J’ai des enfants de CM2 de l’année dernière qui sont entrés dans des collèges publics cette année et ça se passe bien. Il fallait à un moment donné qu’ils aient cette bouffée d’oxygène, qu’ils n’aient pas la pression et qu’ils puissent reprendre confiance, c’est très important au travers de cette école. J’essaie aussi de faire des actions de formation, de conférences pour partager et aider les enseignants à avoir des outils pour adapter l’enseignement au sein d’une classe classique à ces enfants.

Donc ce n’est pas contre l’école, mais avec l’école. Quels sont les principes pédagogiques directeurs de votre école ?

Nosu respectons les programmes officiels afin que chaque enfant puisse, en fin d’année, réintégrer si besoin le système classique. Simplement les progressions et les méthodes sont différenciées pour répondre aux besoins de ces enfants-là. C’est essentiellement une pédagogie de projet : nous avons un projet annuel sur lequel s’articulent tous les apprentissages. Cette année par exemple le projet porte sur le monde animal. Toutes les semaines nous étudions un animal. En étudiant où il habite, on fera de la géographie, on va apprendre sa taille et son poids et faire des mathématiques. On pourra ensuite le décrire, et ainsi faire un peu de production d’écrit. On en tirera même des mots de dictées pour ensuite rédiger une dictée en lien avec cet animal. Au travers du projet, on donne du sens aux cours. Les enfants n’ont pas de manuel scolaire. Ils arrivent le matin, on part d’une discussion, d’un jeu, et au travers de tout ce qui se dit à l’oral on structure des notions qui vont les amener à faire des fiches d’exercices ou des activités en lien avec le sujet. C’est aussi adapté au niveau des supports : on ne peut pas avoir un manuel qu’on suit de jour en jour avec ces enfants-là, ça les désespère. Donc c’est la pédagogue de projet, mais c’est aussi des enfants acteurs de leurs apprentissages qui vont participer, donner des idées, suggérer… Ce que je ne veux surtout pas c’est qu’ils soient passifs, qu’ils arrivent le matin en disant « Bon, on avait prévu de faire ça, on fait ça… » On développe beaucoup d’autonomie aussi de par la classe unique de la grande section au CM2.

Une question : pourquoi tout cela n’est-il pas possible dans l’école dite classique ?

Je pense qu’il y a des contraintes institutionnelles, comme les effectifs par exemple. Il m’est arrivé de fonctionner avec une vingtaine d’enfants dans la classe, c’était tout à fait possible. Mais je pense que c’est aussi quelque chose qui fait peur ; on se détache des manuels et des grilles officielles. On a la trame du programme en tête, les enfants ont des évaluations et remplissent des bulletins officiels mais, quelque part, je m’en détache de plus en plus en faisant confiance aux enfants et en leur disant « là on va parler de ça », ça a l’air de les intéresser aujourd’hui, alors on en discute, on fait le lien avec les matières. Un dinosaure mesure dix mètres, qu’est-ce que ça fait dix mètres ? Ça représente quoi ? C’est se détacher de tous les manuels et partir de ce qu’apportent les enfants pour en faire quelque chose. Ça demande énormément de préparation, d’avoir sous la main tout un déroulé de journée mais il faut s’autoriser à dévier, à prendre le temps, à poser les choses. C’est possible dans un environnement classique, mais ça demande effectivement de se détacher du cadre institutionnel et des contraintes ; et les enseignants sont quand même contraints de fournir des résultats auprès de l’Inspection, de suivre les programmes, et c’est compliqué pour eux. J’ai vu des personnes qui étaient vraiment de bonne volonté qui avaient envie de bien faire, mais qui ne le pouvaient pas.

Gaelle Ménard, parlez-nous concrètement de votre école. Vous montrez régulièrement certaines réalisations sur Internet, j’ai appris que vous faites du golf maintenant avec vos élèves, pourriez-vous nous décrire un peu vos locaux ? On sait que vous êtes seule comme enseignante, mais est-ce qu’il y a d’autres personnes autour de vous, comment ça se passe concrètement ?

Nous sommes deux dans la classe. Je suis la responsable et enseignante en même temps, car il est important pour moi d’avoir ce lien avec les enfants, je suis donc avec eux toute la journée, je déjeune avec eux… et j’ai une assistante, une jeune fille en formation qui est avec moi dans la classe. Elle n’enseigne pas, mais elle est là un peu comme une ATSEM pour soutenir, gérer, accompagner… Nous sommes donc deux dans la classe, c’est un petit local, une pièce en « L » qui permet aussi une flexibilité pour les enfants. Chacun a sa place, mais ils ont la possibilité de se lever, d’aller aux toilettes sans demander la permission puisqu’elles sont attenantes et que nous avons toujours une vue sur les enfants qui circulent. Ils peuvent aller à l’espace bibliothèque, revenir, repartir pour l’espace création ou informatique… il y a beaucoup d’espaces en autonomie pour qu’ils puissent être acteurs, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas attendre la suite lorsqu’ils ont fini un exercice. Au lieu de se dire « J’ai fini, j’attends qu’elle me donne autre chose », on aura « J’ai fini, comment est-ce que je peux m’occuper, qu’est-ce que j’ai à avancer ? ». C’est très important, et ça les prépare bien au collège. J’ai des retours de grands partis au collège ; ils sont plus autonomes, apportent des idées au professeur, ils se permettent d’aller voir le professeur en fin de cours pour expliquer leur ressenti, et savent le dire d’une façon respectueuse et polie. Ces enfants pensent souvent à plein de choses et ont parfois de côté un peu insolent qui rebute dans un système classique ; il faut leur appendre à dire les choses poliment, parce que souvent leurs remarques sont pertinentes. Elle n’est simplement pas formulée de la bonne façon, et certains peuvent la prendre mal.

C’est original et surtout courageux d’ouvrir une telle école, comment se passe le financement, est-ce que vous êtes soutenue dans votre initiative ?

Pas du tout. Je n’ai aucun financement public, rien du tout, donc tout repose sur les frais de scolarité des parents, que j’ai voulu faire le plus bas possible pour rester bien en dessous du coût des autres écoles privées et alternatives du secteur en région parisienne. Pour moi on ne peut pas surcharger ces familles qui ont souvent déjà un suivi psychologique, psychomoteur… ce sont déjà des coûts énormes pour ces parents-là, et ils ne font pas le choix de changer d’école pour un côté élitiste, mais parce que leur enfant en a besoin. Et c’est un sacrifice. Je n’ai donc aucune aide, tout est à la charge des parents. J’ai peu de coûts de fonctionnement puisque je n’ai pas vraiment de salariés, ça me permet de garder des frais de scolarités bas.

Nous sommes arrivés au terme de cette émission, je tiens à vous remercier de votre participation, vous menez une initiative qui est un exemple qu’on aimerait voir se multiplier, merci à vous !

4 commentaires

  1. Bonjour pourriez-vous m’aider votre école est une super idée malheureusement loin de chez moi je ne sais comment faire mon enfant s’ennuie à l’école il est impertinent et mal perçu par les professeurs et les autres enfants les devoirs le fatigue puisqu’il a déjà vu à l’école une
    Semaine de travail lorsque il es malade nous prend 1 petite heure et là il es ravie de tous faire ! on me répond qu’il a les capacités de apprendre sans difficulté mais il ne sait pas rester en classe .. il s ennuie et moi je n’ai sait pas comment faire je ne vais pas me garder à la maison je ne serait pas lui apprendre ce qu’il faud. Merci de bien vouloir me donner des démarche pour l aider

    1. Bonsoir, je suis désolée, je ne vois votre commentaire que ce jour. Je vous invite à vous faire accompagner du psychologue qui suit votre enfant pour rédiger un ppehp (plan personnalisé pour enfants à haut potentiel ). C’est un document qui doit être rempli par les différents partenaires pour se mettre d’accord sur les adaptations nécessaires, comme proposer des approfondissements, autoriser l’enfant à dessiner…..
      Bon courage.

  2. Bravo pour votre école ! Les meilleures initiatives dans ce domaine qu’est la précocité succèdent souvent à une expérience personnelle (j’accompagne moi-même des jeunes HP aujourd’hui).Si j’avais pu connaître ce type d’école quand mon fils était enfant, il aurait certainement moins souffert. Des parents me demandent souvent s’il existe des écoles spécialisées pour les HPI. Votre école va donc rejoindre mon répertoire d’établissements scolaires.
    Je voudrais attirer l’attention sur un point : le haut potentiel est régulièrement associé, voire limité, à un QI supérieur à 130. Si bien qu’une personne avec un résultat légèrement inférieur (128 par exemple), peut s’entendre dire qu’elle n’est pas HPI (notamment de la part ce certaines écoles). Il faut savoir qu’un HPI peut également relever des troubles dys et/ou TDA/H. Ces troubles, associés à l’anxiété et l’émotivité qu’ils génèrent, peuvent impacter négativement un résultat de test. La personne n’en reste pas moins HPI. Il est donc important, à mon sens, d’étudier un résultat de test au regard d’autres critères, de croiser l’ensemble des critères. Et l’important n’est pas simplement de savoir si la personne est HPI ou non mais de savoir si elle ressent un mal-être ou non, si elle vit bien sa scolarité.

    1. Bonsoir, je suis désolée de ne découvrir votre commentaire que maintenant. Je suis bien d’accord avec vous sur les limites du score, c’est pourquoi je n’exige pas de test pour l’admission à l’école. Par contre, l’enfant fait des journées d’essai qui vont me permettre d’observer son fonctionnement et aussi son intégration dans le groupe. Parfois, il n’est pas nécessaire de faire de test si ce n’est pour préparer l’entrée au collège.
      Cordialement,

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