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Quels sont les liens entre talent, don et créativité chez l’enfant à haut potentiel ?

La pensée divergente propre à de nombreux enfants précoces est souvent vue comme un facteur de créativité. A condition de pouvoir l’exprimer, ce qui n’est pas toujours facile !

Le papillonnage chez les enfants et adultes surdoués

Parmi toutes les problématiques évoquées autour du haut potentiel et de son expression, il est un aspect peu cité qui mérite qu’on s’y attarde un peu : la créativité de l’enfant à haut potentiel.

Ce sujet me turlupine depuis quelques temps à plusieurs égards :

  • J’entends souvent la réflexion suivante à propos de l’un de mes enfants, peu scolaire : c’est un créatif, c’est normal !
  • J’ai toujours cette impression de fond que ce potentiel créatif ne demande qu’à s’exprimer mais que la démarche reste compliquée, aléatoire, ou liée à l’apparition de circonstances favorables.

Au cours de mes recherches je suis tombée sur une vidéo de Todd Lubart, psychologue américain et professeur de psychologie différentielle à l’Université Paris Descartes, qui décrit pour les Mardis de l’innovation les processus de développement de la créativité sous le vocable de graines de génie. Ses explications éclairent fortement mes ressentis.

Qui sont les personnes créatives ?

Souvent la créativité est elle-même associée à un trait de caractère, une personnalité plutôt singulière, parfois extravertie, qui s’opposerait à un individu plus terre à terre, plus lisse. On voit les personnes créatives comme des personnalités originales, rêveuses, qui s’égarent.

Les enfants créatifs seraient moins scolaires ou moins en phase avec les attentes scolaires (trop normées ?). Todd Lubart parle d’une faible corrélation voire d’une corrélation négative entre la performance scolaire et la créativité.

La créativité n’est pas exactement dans le programme scolaire de l’année !

Todd Lubart, Psychologue américain : La création chez les grands maîtres : « graines de génie »

Pas plus tard que ce matin pendant sa dictée, ma fille n’arrêtait pas de s’interrompre pour parler. Alors que je lui demandais de se concentrer sur ce que je lui dictais pour que nous avancions, elle me répondit : « Maman ! Tu me perturbes dans mon imagination »…

En effet, les deux activités ne sont pas bien compatibles et nécessitent que l’une des deux soit bridée au détriment de l’autre. Est-ce à dire que l’enfant qui, à l’évocation de chaque mot nouveau, fait de multiples liens et s’invente une histoire, a un potentiel créatif à valoriser ?

Cela nourrit favorablement la réflexion que j’ai souvent entendue concernant l’opposition « être scolaire/être créatif ».

C’est un certain type de pensée, une certaine aptitude à capter des informations provenant de l’environnement qui est intéressante. On parle beaucoup de pensée divergente.

Todd Lubart, Psychologue américain : La création chez les grands maîtres : « graines de génie »

Est-ce une piste à explorer plus en détails pour les enfants à haut potentiel qui s’adaptent mal au moule ?

  • Leur donner plus d’occasions d’exprimer une forme d’originalité
  • Réfléchir pour eux à des projets d’avenir qui intègrent ce facteur créatif

Quels sont les facteurs favorables à l’expression de la créativité ?

Le concept même de potentiel renvoie à l’idée que le talent, quel qu’il soit, suppose un contexte favorable qui lui permette de se développer.

Parmi les obstacles à l’expression de toute forme de créativité nous trouvons bien sûr le cadre ou la demande trop restrictive.

Il faut aussi réfléchir à la façon dont nous accueillons une pensée ou une idée peu commune. Sommes-nous assez ouverts pour écouter l’enfant qui exprime autre chose que ce que nous attendons ? N’avons-nous pas une forme de gêne par rapport à des idées qui pourraient sembler de prime abord incongrues, loufoques, hors sujet ? Sommes-nous capables d’accompagner l’enfant dans son cheminement ?

Todd Lubart évoque le fait que le talent créatif nécessite une démarche prolongée, de faire preuve de persévérance.

Il faut aller plus loin, c’est ça la divergence !

Todd Lubart, Psychologue américain : La création chez les grands maîtres : « graines de génie »

Il faut sortir de la banalité, dépasser les notions du quotidien. Or si d’emblée, par manque de temps ou par souci de conformisme, nous coupons l’herbe sous le pieds aux « graines de génies », leur talent restera caché, latent.

De la même façon que le conformisme, l’expertise encadrerait trop les connaissances selon les études menées par l’équipe de Todd Lubart.

L’enfant à haut potentiel peut aussi avoir tendance à exprimer plus facilement des idées abstraites, à rester dans la sphère imaginaire sans passer à la concrétisation.

Lorsqu’on laisse tous les ingrédients dans le placard, on n’a pas de gâteau à la fin !

Todd Lubart, Psychologue américain : La création chez les grands maîtres : « graines de génie »

J’ai souvent entendu dire mes enfants « j’ai crée un jeu dans lequel il faut…. ». Pour eux, « j’ai créé» revêt en fait le même sens que « j’ai imaginé». En effet ils jouent beaucoup à la façon des jeux de rôles, s’imaginent des scénarios et des histoires qu’ils vivent oralement.

Or de temps à autre, la créativité doit s’exprimer de façon plus palpable, concrète, et il est important de leur donner les moyens de mettre leurs idées sur papier pour trouver une façon de les réaliser.

Enfin, même lorsqu’une certaine forme d’originalité est acceptée, nous sommes tous conditionnés par des habitudes, des normes, des modèles desquels ils est difficile de s’extraire. Je me rappelle de l’un de mes enfants qui avait émis une hypothèse en maths, vers 8-9 ans. N’ayant pas assez d’éléments pour lui répondre, nous avions soumis son idée sur un forum d’étudiants en maths. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour qu’il se fasse repousser, compte tenu de son jeune âge !!. Le concept quant à lui est passé au second plan.

D’où la question de l’avance :

  • Idée qui intervient trop tôt, précurseurs,
  • Idée qui émane d’une personne supposée être trop jeune,
  • Excès d’originalité (l’idée est censée répondre à un besoin contemporain).

Cette question rejoint globalement celle du haut potentiel : y a t-il vraiment une place pour que les enfants « hors norme » ou créatifs puissent s’exprimer et s’épanouir ?

L’éducation en général des enfants donne t-elle une part assez large (temps, moyens, outils) et suffisante à la créativité ?

Comme toujours, faites-moi part de vos réflexions à travers vos commentaires. Je serais ravie d’en discuter avec vous.

6 commentaires

  1. Bonjour,

    Je n’ai jamais été testée mais un de mes fils l’a été et est HP et des psychologues m’ont indiqué quils pensaient que je l’étais également…

    Bref si c’est le cas, je pense que mon côté HP tourne beaucoup autour de cette pensée divergente et le côté créatif également !
    J’aime créer mais je m’éparpille beaucoup et j’ai une grosse tendance à imaginer de nouvelles créations sans pour autant les concrétiser ou bien le plus souvent je les débute mais ne les termine pas… (j’ai d’ailleurs une « boîte de la honte » dans laquelle se trouvent mes créations inachevées ).
    Bien souvent également j’aime apprendre une nouvelle technique mais je m’en lasse une fois qu’elle est acquise… ou bien je dois en tirer un autre résultat (exemple j’aime le crochet mais je ne peux faire plusieurs fois le même exemplaire… je vais réaliser un accessoire, puis un vêtement, puis une couverture puis un amigurumi et une fois que j’aurais fait le tour du crochet j’ai peur de m’en lasser aussi )
    C’est agaçant car comme je dis souvent je touche un peu à tout mais je ne parviens pas à trouver un art, une technique dans laquelle je me perfectionnerait…
    J’aimerais beaucoup vendre mes créations et pourquoi pas même en vivre mais je me sens incapable d’y parvenir à cause de ces raisons. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre comment certaines personnes osent vendre des articles qui selon moi manquent de finition, ne sont pas parfaits du point de vue technique ou esthétique (mais ça c’est propre à chacun)…
    Enfin, j’ai toujours tellement d’idées en tête que je ne sais plus par laquelle poursuivre et le pire c’est que chaque jour quelque chose dans mon environnement, un rêve ou un événement vient me stimuler pour songer à une autre future création !
    Je ne suis plus une enfant depuis longtemps mais le problème est toujours là
    Je regrette énormément en tous cas de ne pas avoir écouté mon cœur plutôt que la famille et la raison dans le choix de mes études
    Je voulais entrer dans une école de beaux arts mais j’ai choisi les langues étrangères et j’ai fini dans l’immobilier. Domaine dans lequel j’ai détesté travailler. Trop stressant et bien sûr créativité inexistante
    Aujourd’hui je suis gravement malade…est-ce en partie la raison ? Peut-être… mais j’aime à croire que ce n’est pas vain et je m’accroche tant bien que mal à mon rêve par le biais d’une reconversion professionnelle et une prochaine formation !
    Voilà mes déboires sur le sujet lol désolé pour le pavé

    1. Bonjour AUDIC,
      Je m’identifie dans votre commentaire.
      Je suis également gravement malade et persuadée que mon hypersensibilité, mon goût du détail a l’extrême (je ne comprends pas que les autres puissent présenter des œuvres pas finies, inexactes, imprécises, imparfaites…), ne m’ont pas aidée dans le déclenchement de la maladie. L’oncologue m’a demandée si j’étais mathématicienne à la vue des questions précises et documentées que je pose. Je me passionne pour de nombreux sujets, mais rarement je passe à la mise en pratique ! Petite j’étais une artiste, mais mes résultats scolaires m’ont menés vers une classe préparatoire. Mon métier m’a quand même plut car il impliquait des voyages que j’ai transformés en aventures pleines de découvertes et d’apprentissages. La soif d’apprendre encore et toujours…

  2. Merci pour cet article ! Et je confirme : nous n’avons pas toujours l’ouverture d’esprit et « cadrons » quelquefois beaucoup trop!! Je ne sais pas si ce n’est pas nous parents qui avons le plus appris par le biais de notre fils que l’inverse !!

    1. Bonjour,
      Je me reconnais tout-à-fait dans les commentaires qu’ont laissés Audic et Marie-Carmen. Ça fait du bien de savoir que d’autres personnes ont ce ressenti car je me sens parfois tellement en décalage avec les gens et me pose beaucoup de questions sur moi-même.

      1. bonjour moi aussi je me reconnais parfaitement dans dans vous tous j’aurais voulu faire arts plastiques et j’ai fait économie mais au final j’ai quand même trouvé un travail qui me plaît par contre mon petit garçon 10 ans qui est HP confirmer j’aimerais j’aimerais bien qu’il puisse exploiter sa créativité parce que je pense qu’il est comme moi rien il a plein plein d’idées mais aucune concrétisation et et quelque part je veux sens que ça ça lui manque dans sa vie voilà il passe des heures devant des jeux vidéos alors que alors qu’il a plein d’idées de choses à faire, mais je ne sais pas trop comment l’aider je ne sais pas si si je peux en fait l’aider puisque moi-même j’ai jamais concrétiser quoi que ce soit à part des poèmes

        1. Bonjour,

          En effet, les jeux vidéo sont une solution plus facile, accessible, pour s’occuper et se vider la tête.
          Il y a un effet de récompense immédiat qui leur fait du bien, alors que le processus créatif demande du temps, des efforts. Ils n’ont peut être pas beaucoup d’occasions (ou le besoin) d’aller au bout d’un projet créatif et de réaliser dans quelle mesure cela leur fournir un certain plaisir. On a pris l’habitude de raisonner à très court terme, et moins de se projeter dans une réalisation à moyen terme.

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