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Entretien vidéo avec Jean-Charles Terrassier, pionnier de la reconnaissance des enfants précoces

Précurseur du combat pour les enfants précoces, le psychologue Jean-Charles Terrassier, fondateur de l’ANPEIP dès 1971 nous livre son sentiment sur la situation actuelle des enfants à haut potentiel.

L’ANPEIP (Association Nationale pour les Enfants Intellectuellement Précoces) Côte d’Azur a publié un entretien vidéo avec Jean-Charles Terrassier, psychologue spécialiste de la précocité et créateur de l’association dès 1971.

Précurseur du combat pour la reconnaissance des enfants précoces, il est l’inventeur du concept de dyssynchronie, de l’effet Pygmalion négatif et de la méthode de calcul d’un QI compensé. Il est également l’auteur du livre Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante et, avec Philippe Gouillou, du Guide pratique de l’enfant surdoué, aujourd’hui réédité pour la 11ème fois. Un grand monsieur à qui nos enfants doivent beaucoup et qu’il est toujours agréable de réécouter.


ANPEIP Côte d’Azur : Eip, on en parle depuis quand ?

Jean-Charles Terrassier : En 1971 quand j’ai fondé avec quelques amis, quelques parents, des orthophonistes, des enseignants la première association française pour les enfants précoces, eh bien il n’y avait personne qui traitait de ces questions et nous avons décidé d’entreprendre cette action parce que personne ne s’y intéressait et que personnellement en tant que psychologue j’avais été confronté à beaucoup d’enfants précoces dont la précocité, disons le très clairement, passait à la trappe dans l’enseignement qui leur était proposé.

ANPEIP Côte d’Azur: comment les identifier ?

Jean-Charles Terrassier : Il est parfois difficile d’identifier un enfant précoce. Pourquoi, parce qu’il est intellectuellement précoce mais qu’il n’est pas précoce dans tous les domaines, ça s’appelle la dyssynchronie. La dyssynchronie est le décalage interne qu’il y a entre le développement intellectuel très précoce et le développement affectif qui est de l’ordre de l’âge de l’enfant, et le développement psychomoteur qui est un peu en avance mais pas autant que sur le plan intellectuel. Il y a aussi les décalages sociaux, les décalages où par rapport au programme ces enfants sont retardés par les programmes. Les enfants précoces sont des enfants retardés en réalité par le système éducatif, ils sont retardés dans leur développement. Ils ne sont également pas chronologiquement à la mesure de leur camarades du même âge, ils s’intéressent à des questions que d’autres n’aborderont éventuellement que plus tard. Là il y a un effet pygmalion négatif, c’est à dire qu’il y a la pression sociale qui incite les enfants précoces à devenir normaux, c’est à dire à régresser, à renoncer à être brillants, à se conformer à une norme qui n’est pas la leur, et là il y a une souffrance, c’est évident. Tous ces aspects font qu’il n’est pas simple d’identifier un enfant précoce parce qu’ils ne sont précoces qu’intellectuellement et parfois ils renoncent à le montrer pour être acceptés par les camarades, ils font semblant de s’intéresser aux mêmes centres d’intérêts que leurs camarades pour ne pas être exclus, pour ne pas être traités d’intellos et ne pas être virés, même sadisés parfois parce que c’est une bonne population pour être un peu persécutée.

ANPEIP Côte d’Azur : Eip, quels avantages, quels inconvénients ?

Jean-Charles Terrassier : Les avantages pour l’enfant sont d’avoir cette facilité à digérer les notions et la curiosité, mais l’inconvénient est de rarement trouver à qui parler parmi les enfants de son âge.

ANPEIP Côte d’Azur : Les enseignants, quel rôle ?

Jean-Charles Terrassier : Les enseignants, dans la mesure où ils sont informés que la précocité peut se manifester de façon très diverse et parfois trompeuse, en présence d’enfants casse-pieds qui posent trop de questions et que l’on réprime parce qu’il posent trop de questions, ou au contraire d’un enfant complètement éteint qui a renoncé à exister dans sa classe, de tous ces enfants qui ont des comportements qui sortent de l’ordinaire, peuvent se poser la question. Cela ne veut pas dire qu’ils sont automatiquement des enfants précoces, mais ça veut dire quand même qu’il y a une question à se poser par rapport à ces enfants au comportement bizarre. Derrière on découvre effectivement parfois des enfants précoces.

ANPEIP Côte d’Azur : Aujourd’hui on en est où ?

Jean-Charles Terrassier : Ce qui m’a frappé c’est qu’il y a une vingtaine d’années je recevais surtout des enfants de 10-11-12 ans, des enfants en situation délicate. en échec parfois (des enfants précoces). Maintenant 50% des enfants que je reçois, (c’est beaucoup), sont des enfants de moins de 6 ans, parce que les parents se posent la question plus tôt, et que parfois aussi les enseignants ont été éveillés à ces questions, parfois par l’Education Nationale, par les  formations internes, parfois par les médias aussi. Les médias ont fait beaucoup, peut être de trop parfois ? Mais disons qu’il y a moins de chances pour un enfant précoce, grâce aux parents, ou à certains enseignants, qu’on attende l’échec ou les difficultés pour le recevoir. Et ça c’est très bien, de faire de la prévention plutôt que de la remédiation.

ANPEIP Côte d’Azur : Les associations, quel rôle ?

Jean-Charles Terrassier : Leur mérite est d’avoir fédéré un peu les professionnels, les parents, les enseignants, et bientôt les chercheurs, j’espère ! Et donc lorsque tout ce monde sera réuni et capable de travailler ensemble on s’approchera d’une solution équitable pour les enfants précoces qui leur permette d’exister réellement dans leur diversité. Parce que, tout en étant précoces, ils sont très divers, cela aussi est l’un des aspects à développer et à comprendre, un QI ne résume pas un enfant.

ANPEIP Côte d’Azur : Que reste t-il à faire ?

Jean-Charles Terrassier : Le système éducatif classe encore trop facilement les enfants par leur date de naissance, si tu as tel âge tu dois être là ! La souplesse et la flexibilité sont à introduire dans ce système. C’est compliqué, beaucoup plus compliqué que de ranger les enfants par date de naissance dans des tiroirs, c’est évident. Cela demande un état d’esprit d’abord. Il y a beaucoup d’enseignants qui sont venus à cet état d’esprit, il y en avait déjà même quand on a crée l’association en 1971, il y avait déjà des enseignants très sensibles à cet aspect là, au respect de la personne. Il y en a davantage maintenant, grâce aux médias, à l’Education Nationale, à Delaubier, c’est un mouvement qui doit s’amplifier.

Visite la page de l’ANPEIP Côte d’Azur

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