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Un enfant surdoué, quel impact dans la famille ?

La présence d’un ou plusieurs enfants surdoués dans une fratrie n’est pas sans conséquences pour la vie familiale. C’est en substance ce que nous expliquent deux jeunes psychologues italiennes.

Quelques témoignages positifs sur le haut potentiel intellectuel

Nous partageons aujourd’hui les conclusions d’un travail mené sur la surdouance par deux thérapeutes familiales italiennes. La surdouance est encore assez mal reconnue en Italie et à travers trois cas cliniques étudiés, elles nous font part de leurs conclusions ainsi que de la complexité de l’accompagnement des enfants surdoués et de leurs familles en fonction de leurs histoires respectives.

Elena Tazzioli et Sara Peruselli, thérapeutes familiales

Nous avons étudié au centre Milanais de thérapie de la famille et nous sommes membres de l’Association Italienne Pour le Haut Potentiel. Nous sommes aussi membres de la Société italienne de recherche sur la thérapie systémique. Nous travaillons ensemble à Milan, et c’est avec plaisir que nous sommes là aujourd’hui. En ce qui concerne l’expérience clinique, nous travaillons ensemble en co-thérapie avec des familles, dans un contexte privé ; nous avons des espaces d’intervention avec d’autres collègues systémiques. Depuis cinq ans, nous avons vu en psychothérapie des familles avec des enfants ou des adolescents surdoués. Ces familles nous ont été envoyées principalement par l’AIPHP qui fait partie du « network » européen. L’AIPHP est une organisation à but non-lucratif. Son objectif est d’offrir aux étudiants doués l’opportunité de développer leur potentiel et de contribuer au développement de leur bien-être personnel et relationnel.

La surdouance à travers la thérapie familiale

Différentes recherches nous ont permis de développer des conceptualisations de la surdouance à partir de différents points de vue. Il y a de grandes variations dans la gamme de définitions de l’élève intellectuellement surdoué. Les termes élevé, doué, talentueux, désignent les enfants et les gens qui démontrent une capacité de performance élevée dans leur domaine comme la capacité intellectuelle, créative, artistique ou de leadership, ou dans des domaines académiques spécifiques. Il y a aussi l’autre définition : nous avons choisi la définition qui introduit le concept de dyssynchronie. La surdouance et la dyssynchronie dans le développement, ou les capacités cognitives élevées et la capacité à mener les activités avec une intensité considérable se combinent pour former des expériences intérieures et des connaissances différentes de la norme. Cette particularité les rend particulièrement vulnérables et nécessite l’utilisation d’une adaptation parentale, d’une éducation et de conseils spéciaux afin de développer pleinement leur potentiel. La surdouance est un ensemble de facteurs qui sont biologiques, psycho-sociaux et cognitifs.

Nous sommes en train de présenter cette réflexion pour introduire un sujet qui n’est pas assez connu dans la thérapie familiale. La surdouance, le haut potentiel, et la douance. Nous pensons que c’est peut-être une opportunité intéressante de partager ici le processus, les hypothèses et les liens et possibilités liés à ce sujet.

Nous commençons par une hypothèse : la surdouance et les talents ne sont pas un diagnostic, mais une description. Cependant, la définition des talents reste liée à une évaluation du QI.

Dans notre expérience, nous avons observé que certaines dynamiques et relations à présent typiques de la famille traditionnelle deviennent plus complexes dans les familles avec un membre doué.

Les parents et, en général, tout le système familial, seront rapidement influencés par le statut de surdoué, qui est attribué à un enfant ou un adolescent. En ce sens, il semble que le haut potentiel offre des défis de plus en plus complexes, tant pour la famille que pour le système auquel appartient la personne.

Les familles ayant un enfant surdoué ont des valeurs, des préoccupations et des facteurs de stress uniques. Ils sont diversifiés dans leur modalités et dynamiques, et ils pourront être fatigués de se justifier. Le degré de conscience du haut potentiel est différent pour les membres de la famille, mais surtout pour l’enfant surdoué, et nécessite d’être compris : c’est-à-dire de voir comment il se manifeste, comment il est connu, par qui ? De quel type de haut potentiel il s’agit : créatif, moteur, intellectuel, musical… Il varie selon le contexte, social, économique, familial, la présence d’une âme d’exception. Par exemple une table d’apprentissage peut compliquer la situation, surtout à l’école ; ou encore selon l’âge de l’enfant ou selon une éventuelle dyssynchronie cognitive et émotionnelle.Le haut potentiel peut agir comme un facteur de stress, parce qu’il exerce une pression sur l’adaptation du mode de vie familial. Il est possible que la surdouance devienne la clé de la compréhension du comportement et de l’organisation des activités familiales.

Les autres fatigues peuvent être la tendance du surdoué à organiser tout le système familial, un peu stressant si on crée une pression pour changer le modèle de vie et le contexte, par exemple scolaire dans le but de maximiser le potentiel ou de protéger la fragilité. Une autre fatigue est le rôle et les caractéristiques (du facilitateur ?). Le facilitateur peut être un parent, l’enseignant s’il est disponible, ou des bonnes relations avec le père ou le contraire. La signification de la surdouance est vraiment importante ; la famille, l’enfant, le contexte lui donnent un sens positif ou négatif. L’étiquette de surdoué à l’école et le choix de la communication joue aussi un rôle : l’enfant étiqueté comme « doué » à l’école et le fait qu’ils ne soient pas officiellement reconnus en Italie complique les choses. Il y a en effet beaucoup de mythes à démystifier sur le haut potentiel. Et souvent on croit que l’enfant évolue de manière stéréotypée. Et le sentiment d’inadéquation parentale : les parents on souvent l’impression de ne pas pouvoir répondre suffisamment aux demandes surtout cognitives mais aussi émotionnelles de leur enfant surdoué. Encore une confusion parentale, lorsque le corps ne répond pas aux besoins du surdoué.

Trois façons d’appréhender la surdouance

Dans notre pratique et dans certains cas cliniques, nous avons vu que la présence d’un enfant surdoué peut avoir des effets négatifs sur les relations familiales, et les hauts potentiel peuvent facilement assumer un rôle parental autoritaire. Nous pensons que l’introduction de la définition de la surdouance a déjà elle-même des effets multiples sur le milieu familial. Dans les cas cliniques que nous vous présenterons, nous comparerons le rôle de la surdouance selon qu’elle est considérée comme un protagoniste, comme l’un des acteurs ou comme une présence niée. Nous vous présenterons pour chaque cas la position de la surdouance dans la famille, qui sont les membres de la famille, la demande avec laquelle la famille arrive en thérapie, les points de la thérapie et quelques observations que nous avons fait à la fin de la thérapie. Nous utiliserons une métaphore pour mieux décrire l’hypothèse développée à cet égard.

La surdouance niée

Nous avons appelé le premier cas clinique « la surdouance niée ». Tout ce que la famille raconte n’est pas attribuable ou ne concerne pas la surdouance. L’évaluation a précédé le traitement thérapeuthique, Carlotta est la fille surdouée. Ici il y a une jeune dame, et comme vous pouvez le voir est la deuxième des trois soeurs. La demande de la famille est la suivante :

A l’école, elle s’ennuie ; à la maison elle a assez de temps pour tout. Elle est toujours en train de lire. Aidez-nous à comprendre comment changer le comportement de Carlotta. Corrigez-le.

 Le système familial avait le mythe de l’égalité ; la loi est la même pour tout le monde. Les expériences doivent être comparables, le temps et les opportunités doivent être similaires pour tous les enfants. Nous avons fait des observations. L’introduction de la possibilité d’exploiter des différences, en commençant par l’introduction et l’inclusion du concept de haut potentiel leur a permis de saisir les besoins différents de leur fille. L’introduction de la surdouance au début de la thérapie semblait impossible. La description, le partage des significations, des connaissances, des différences liées à la surdouance ont autorisé des prémices de changements au sein de la famille par exemple en permettant à la jeune fille de changer d’école, alors que jusque là toutes ses soeurs fréquentaient le même établissement.

La surdouance comme protagoniste

Nous avons choisi d’appeler le second cas « la surdouance comme protagoniste ». Tout est centré sur la surdouance. Le système lié à l’enfant devra s’adapter à ses besoins prédéfinis. L’évaluation a précédé les traitement thérapeutiques. Lorenzo est le fils surdoué. La demande de la famille est la suivante :

L’école ne fonctionne pas ; elle ne sait pas comment répondre aux besoins de Lorenzo. Pouvez-vous nous aider à choisir entre changer d’école pour un établissement plus approprié, ou rester. Comment introduire des programmes spécialisés pour la surdouance à l’école ?

 Du point de vue de la thérapie : Lorenzo est le centre d’attention, mais seulement en tant que surdoué. Les autres aspects de sa personnalité sont niés, y compris ses besoins émotionnels et affectifs. Seule la surdouance est considérée comme protagoniste dans les troubles de Lorenzo. De fait il attire l’attention par un comportement socialement inadéquat, par exemple la perturbation continue dans la salle de classe et la maison, pour lequel, selon ses parents, la seule possibilité de réponse était de fournir des stimuli cognitifs. L’observation rétrospective que nous avons faite montre qu’il est utilisé par ses parents. Plus les thérapeutes ont souligné la possibilité qu’il ait des besoins émotionnels indépendamment de la surdouance, et plus la famille s’éloigne. La famille a besoin de trouver des causes afin de légitimer leur hypothèse à l’aide de données objectives et mesurables. Elle nous a demandé des tests, des grilles d’observation, et ainsi des réponses.

La surdouance comme un des acteurs

Il y a la troisième famille, que nous avons appelé « la surdouance comme un des acteurs ». La surdouance est alors considérée comme une possibilité, qui ajoute des informations à celles déjà présentées. L’évaluation a été réalisée durant la thérapie. Emilie est la fille surdouée. C’est la première des deux sœurs. La famille arrive avec une demande :

Comment pouvons-nous échapper à la situation de tristesse familiale générale, et empêcher les enfants de ressentir les conflits de cette dernière année ?

Comment gérer les moments de fermeture d’Emilie à l’école et les efforts de gestion de la mère ? Point de vue therapeutique : ces dernières années, le couple a fait face à diverses difficultés : la maladie d’Albert, le diagnostic bipolaire récent et le traitement pharmacologique semblent avoir réglé des choses. Le nouveau rôle de Béatrice qui avait quitté son emploi et renoncé à sa carrière pour se consacrer à sa famille mais avec des expériences en adéquation, et la perte du travail d’Albert. Prémices parentales : les filles sont trop petites pour comprendre ; les efforts associés à la maladie du père sont intolérables et ont causé du tort aux filles. Observation rétrospective : la réalisation de l’histoire familiale a ouvert à d’autres possibilités. Emilie a tout observé, même ce que les parents ont essayé de cacher. Elle s’est raconté l’histoire en se sentant responsable. L’introduction de la maladie d’Albert et de la surdouance, Emilie a évalué sa sensibilité émotive, a permis d’avoir une histoire partagée, et de soulager les inquiétudes des parents et des filles. Re-raconter une histoire de manière transparente et partagée nous a permis de sortir du blocage et de trouver une ouverture vers l’avenir. Le père trouve du travail à l’étranger, et décide de déménager sans être paralysé par la peur qu’Emilie ne soit pas prête.

Les conclusions que nous avons faites, la perspective fondamentale pour prendre en compte la complexité de la thérapie nous a conduit à proposer différents points de vue qui incluent des opportunités, des risques et des limites. Par exemple dans la première thérapie familiale, il a été possible de changer d’école, car les parents ont reconnu à Carlotta des besoins différents de ceux de ses sœurs. Il faut considérer que l’introduction du concept de surdouance peut être une source supplémentaire de stress ou une aide selon le contexte. La perspective systémique, peut fournir un cadre pour analyser l’interaction complexe entre deux types de facteurs qui influencent les adaptations sociales et émotionnelles que les enfants surdoués et leurs familles mettent en place.


Il y aurait encore beaucoup d’aspects à explorer. Les positions que les thérapeutes peuvent encore employer sont diversifiées. Par exemple nous pouvons observer l’isomorphisme comme un élément linguistique de thérapeute avec le système familial, ainsi que la rapidité de partage d’idées et de réflexions dans le mode de conduite entre thérapeutes et parents, ou encore le rôle d’expert et de non expert. La co-thérapie nous a permis d’avoir une thérapeute experte en surdouance et une thérapeute non-experte. A propos du contexte, il y beaucoup de contextes : l’école, si l’enseignant connaît la surdouance ou pas, les parents, les pairs… Dans ces occasions, comment créer un réseau pour parler de surdouance et de thérapie familiale ? Nous espérons avoir réussi à traduire la complexité existant derrière la surdouance, ou au moins en partie.


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